LA VILLE DE BOUKHARA
Boukhara est l'une des plus anciennes et plus remarquables villes de l'Asie Centrale, le foyer religieux et spirituel de l'Orient musulman, la grande cité de commerce et l'une des plus nobles villes du monde.
Selon les données archéologiques, la fondation de la ville remonte au milieu du premier millénaire avant JC Dans les anciennes sources écrites chinoises on trouve plusieurs noms de la ville: An, Anci, Ango, Niyumi, Boukho, Boukhou, Boukhe, Bouakhaer, Boukhou Boukhouala , Foukho.
Des historiens arabes la dénommèrent Noumidjkate, Navmitchkate (la nouvelle citadelle), Al-Madina as-Soufriya (la ville en cuivre), Madinat at-Toudjjare (la ville des marchands), Fokhira ().
A l’origine le mot sanscrit «Boukhara» signifie «le monastère», mais la variante turque de ce mot se traduit par «la source de connaissance» .
Au cours de sa longue histoire Boukhara fut qualifiée de différents attributs : Boukhara la Sage, Boukhara la Noble, Boukhara la genereuse, le Dôme de l’islam, le Pilier de la religion, la Beauté de l’esprit, la plus secrète des cités caravanières, la mieux préservée des villes figées de l’Orient, la plus intéressante cité du monde.
L’entrée réelle de la ville dans l’Histoire remonte au VIIIs., à l’epoque de sa conquête arabe. Sous les Samanides (IX-Xss), elle devint la capitale de toute l’Asie Centrale, et vécut son «âge d’or». Cette période du passé de la ville est connue dans l’histoire comme «la Renaissance orientale». Aux XI-XIIss. les Karakhanides offrirent à Boukhara les trois édifices qui existent jusqu’aujourd’hui : le minaret Kalon, la mosquée de Namazgah et la mosquee de Maghoki Attari. Au début du XIIIs, la ville fut envahie et pillée impitoyablement par les troupes de Gengiz Khan. Dans la seconde moitié du XVIs, sous le règne des Cheybanides la ville redevint la capitale de Transoxiane et au XVIIs, la capitale de l’emirat de Boukhara .
Au début du XXs, Boukhara possédait plus de 250 madrassas, plus de 390 mosquees, plus de 150 caravansérails et 114 khaouzs (bassins). A la différence des autres villes situées sur la Route de la Soie, Boukhara a su garder son «esprit» oriental.
Aujourd’hui cette ville fascinante ressemble à une «île mystérieuse» qui conserve soigneusement les plus riches trésors de l’art et de la culture de son passé glorieux. La magie envoûtante de cette île offrent des étonnements infinis à ses hôtes. En effet, Boukhara est très riche en chefs-oeuvre de l’architecture médiévale. Leur nombre est grand, leur beauté est étonnante.
La vieille citadelle d’Ark, la résidence de tous les émirs de Boukhara, et la mosquée Bolo-Khaouz frappent par la richesse de leur décor. Depuis plus de mille ans le mausolée des Samanides, l’un des premiers mausolées du monde islamique et le minaret Kalon, la plus haute tour de la ville éblouissent ses visiteurs par sa capacité à changer d’apparence aux divers moments de la journée, en fonction de la position du soleil, le dessin qui recouvre ses murs. Les décors du palais Sitorai-Mokhi-Khossa, la résidence d’été des derniers émirs de Boukhara et de Tchor Minor, le monument unique en son genre sont d’une somptuosité fabuleuse. Les madrassas Miri-Arab, Ouloughbek, Koukeldash, Abdoulazizkhan et Nadir Devanbegui, les marchés couverts de coupoles datant du XVIIs, ne laissent personne indifférent.
Boukhara est une demeure sacrée des rois, des savants, des poetes, des médecins, des soufis etc. De nombreux savants, poetes, peintres connus qui avaient fait un grand apport au développement de la science et de la culture mondiales y vécurent et œuvrèrent : Abou Khafs Kabir, Imam al-Boukhariy, Abou Ali ibn Sina (Avicenne), Abou Abdoullah Roudakiy, Narshakhiy, Abdoukhalik Guijdouvaniy, Bakhaouddin Naqshbandiy, Sayyide Amir Koulial, Saifouddin Bokharziy.
Comme Samarcande, Boukhara est aussi l’un des grands centres touristiques de l’Asie Centrale. Dans le but de garder et étudier les richesses matérielles et spirituelles, les traditions qui se transmettent d’une génération à l’autre, le gouvernement décida en 1922 de fonder le musée-réserve d’Etat de Boukhara. Plus de 200 monuments historico-architecturaux sont protégés par l’Etat . 118 d’entre eux sont classés sur la Liste du patrimoine mondial. En 1997, les boukhariotes ont célèbrés le 2500ème anniversaire de la fondation de leur ville. En 2001, Boukhara fut proclamée «la ville de la paix» par l’UNESCO.
Une université, deux instituts, plus de dix lycées et collèges, plus de cinquante écoles, deux théâtres, des palais de la culture fonctionnent dans cette ville.
L'ensemble Labi-Khaouz
Le mot "Labi-Khaouz" se traduit par "bord du bassin". Cet ensemble architectural, situé sur la place du même nom, qui s'est formé au cours des XVI-XVIIème siècles, est l'un des lieux les plus appréciés des boukhariotes, un lieu de vie et de convivialité au centre historique de cette ville noble, point de départ et d'arrivée idéal des balades.
L'urbanisme de Labi-Khaouz est particulièrement attrayant. L'intégration parmi les trois édifices monumentaux d'un vaste miroir d'eau bordé d'une épaisse verdure, au lieu d'une habituelle place, fut une innovation dans l'histoire de l'urbanisme d'Asie Centrale. Cela constituait un atout précieux pour une ville écrasée par la chaleur estivale.
A l'époque de la grandeur de Boukhara, autour du bassin de ce complexe alimenté directement par le Chakh Roud (Canal Royal) qui traverse encore la vieille ville, les gens se rassemblaient tous les soirs pour boire du thé, écouter les conteurs et les chanteurs, admirateur les danseurs, les jongleurs ou les charmeurs de serpents. C'est ici que les nomades rencontraient les sédentaires, les perses dialoguaient avec les turcs, les chinois conversaient avec les saoudiens, fertile échange de marchandises et d'idées, de religions et de connaissances, de savoir-faire et d'art. C'est ici que les porteurs amenaient de grandes outres en cuir remplies d'eau à leurs clients riches.
Jusqu'aux premières années de l'ère soviétique Boukhara comptait 114 bassins de ce type, dont Labi-Khaouz est l'un des rares demeurés intacts.
Auprès de cette belle place, bordée de tchaïkhanas (salons de thé) et flanquée des trois édifices monumentaux (la médesa Koukeldach, la médersa et la khanaka de Nadir Devanbeghi), part l'âme de l'Asie Centrale nude perpétue égalé.
Si le temps vous est compté à Boukhara, venez au moins ici prendre du thé. Autour de cette réserve d'eau mesurant 36 m sur 46 m, sous les muriers pluricentenaires (plantés en 1477) vous vous sentez pris dans l'ambiance d'un autre univers. Vous écoutez, vous regardez et vous oubliez le temps au cœur de cette cité fascinante.
Une légende raconte que, vers 1620, Nadir Devanbeghi, le grand vizir du khan décida d'installer une réserve d'eau en pleine ville sur l'emplacement d'une demeure habitée par une juive veuve. Le vizir lui propose d'acheter sa maison à prix d'or, mais celle-ci refuse toujours de vendre, n'ayant aucunement envie de démenager et se réjouissant à l'idée de gêner les plans du vizir. Finalement, Nadir Devanbeghi, rusé comme un renard, trouva une solution à ce conflit. Il décida de creuser un petit canal sous sa maison, ce qui désagrégea les fondations et les murs de pisé. Le vizir gagna la partie car la maison, rongée par représenté, finit par écrouler. La veuve vint chez le vizir pour qu'il lui réponde en son âme et concience. Le vizir lui répond que sa proposition tenait toujours. La juive, qui n'avait pas trop besoin d'argent, demanda au vizir qu'il lui offre, en échange de sa maison, un terrain avec le droit de construire une synagogue. C'est comme ça que, grâce à cette dame, la première synagogue de Boukhara apparut juste en face de cet ensemble.
This peu banale histoire d'expulsion marqua les habitants de la ville qui baptisèrent le bassin "Khaouzi-Bazour", ce qui veut dire "bassin de la contrainte".
La khanaka de Nadir Devanbeghi (1620)
A l'ouest du bassin, la khanaka, une ancienne hôtellerie réservée aux derviches itinérants, est située sur le même axe que la médersa de Nadir Devanbeghi. La khanaka est de forme rectangulaire, avec une salle centrale cruciforme et des khoudjras (cellules) dans chaque angle, elle dispose d'un portail excessivement étroit flanqué de tours. Cette résidence des derviches a un aspect particulièrement majestueux ayant l'admire depuis le plan d'eau.
Son mihrab richement décoré voisine avec de nombreux stands de souvenirs.
La médersa Koukeldach (1568-69)
Le côté nord de l'ensemble est occupé par la médersa Koukeldach (le mot "koukeldach" se traduit par "frère de lait"), la plus grande et la plus austère de Boukhara, avec 160 cellules et une cour de 80 m sur 60 m. Son constructeur s'appelait Koulbaba Koukeldach, un des vizirs bien influents du khanat de Boukhara, occupant un poste très important sous quelques khans de la dynastie des Cheybanides. C'est lui qui a fait beaucoup d'efforts à l'arrivée au pouvoir d'Abdoullakhan II et finança de nombreux projets municipaux surtout sous le règne de ce khan.
Cette médersa devint le symbole du puissant état d’Abdoullakhan II. La lourde façade avec ses décors en mosaiques, abrite d’élégantes mosaïques intérieures et un agencement complexe de voûtes. Les décorations intérieures de l’édifice sont l’un des beaux exemples de «l’intérieur blanc». L’art décoratif de cette période marque un intermède sobre entre l’opulence retenue de l’époque d’Ouloughbek et la flamboyance du XVIIème siècle. Cette école coranique est souvent remarquée pour sa grande coupole soutenue par 4 arches croisées, et les incrustations d’albâtre aux plafonds de ses salles d’angles octogonales.
Pendant une certaine période, elle est devenue un musée consacré à Sadriddin Ayniy (écrivain tadjik) et accueillait dans un passé récent le bureau du recensement.
La médersa de Nadir Devanbeghi (1620-22)
Le haut porche d’entrée est caractéristique des caravansérails, et n’était apparemment pas destiné à s’ouvrir sur une médersa. Mais on raconte qu’en admirant la splendeur de ce nouveau bâtiment, Imamkoulikhan l’inaugura en tant que médersa probablement par erreur. En aucun cas les paroles du khan ne pouvaient être contredites, et bien qu’il n’y ait ni salle d’étude, ni mosquée, le portail fut reconstruit et des tours d’angle ajoutées à cet édifice pour en faire un véritable séminaire, mais la médersa est aujourd’hui encore dépourvue des traditionnelles mosquées et salle de lecture. Dans cet édifice les compositions en mosaïque fine sont particulièrement captivantes. Les tympans des arcs sont décorés, non seulement des motifs végétaux habituels, mais également de motifs figuratifs: des oiseaux fantastiques (les sémourgues) et des biches. Tous ces éléments se cojuguent pour parer l’ensemble de l’édifice. C’est la première tentative des architectes pour s’écarter des décors traditionnels. Les décors manquent de la couleur rouge et ça s’explique d’autant mieux avec la chaleur du lieu, puisque le climat était bien chaud et les architectes tâchèrent de conserver un peu la fraîcheur avec des tons plus froid: bleu, bleu ciel, vert et jaune qui prédominent ici.
L’inscription arabe sur le portail disant «Allah est le seul Dieu, Mahomet est son prophète» nous présente les éléments traditionnels de décoration des portails des médersas. La décoration en mosaïque de la façade a été restaurée par des maîtres de Boukhara et de Samarcande.
Les pavillons marchands (XVIème siècle)
A Boukhara on a depuis toujours construit des bâtiments à vocation marchande, appelés «coupoles». Seuls trois de ces édifices subsistent encore: Toki-Sarrafon, le pavillon du troc, Toki-Telpakfourouchon, le pavillon des chapeliers, et Toki-Zargaron, le pavillon des bijoutiers. On plaçait en général ces bâtiments marchands au croisement de rues animées, le long de la voie principale du chakhristan, qui partait du Labi-Khaouz vers la place du Réghistan. Si les mosquées et les médersas sont le cœur de Boukhara, les coupoles marchandes en sont le système nerveux. C’est en effet grâce au commerce et aux taxes qui en découlaient que la ville eut un tel essor. Ces constructions massives aux bulbes insolites, datant des XVI-XVIIème siècles, présentent une architecture très fonctionnelle. Situées au croisement des rues, elles possèdent de hautes entrées ogivales qui permettaient aux commerçants et aux chameaux chargés de marchandises de circuler librement. Les galeries couvertes dans lesquelles sont installées les échoppes se croisent dans un haut lieu central surmonté d’une haute coupole. Il y fait plus frais qu’à l’extérieur, et le visiteur accablé par la chaleur apprécie vivement les qualités d’une architecture favorisant le commerce quand un marchand avisé l’invite à s’asseoir dans la pénombre de son magasin de souvenirs. Il reste aujourd’hui trois de ces coupoles marchandes nommées tok qui datent de l’époque des Cheybanides. Autrefois, les rues commerçantes qui menaient à ces coupoles étaient, elles aussi, bordées d’échoppes et protégées du soleil par les nattes de roseaux.
Toki-Sarrafon
Ce marché typique, dit la «coupole des changeurs», fut construit en 1620 et abritait à l’époque les juifs changeurs de monnaie. Situé au croisement des artères menant à toutes les portes de la ville, ce marché couvert bénéficiait d’un emplacement particulièrement favorable et faisait partie d’un ensemble de constructions conçu au début du XVIIème siècle, comprenant une mosquée et des bains. C’est là que les changeurs échangeaient des devises perses, russes, afghanes et locales en poul de bronze, tanga d’argent et tilla d’or qui avaient cours dans les marchés de la ville. Ce bazar accueillait aussi les prêteurs afgans et arméniens avec leur traditionnelle baguette à encoches, qui n’hésitaient pas à graver la somme due sur le montant de la porte d’un débiteur, si celui-ci les faisait patienter trop longtemps. Autour de Toki-Sarrafon, qui est aujourd’hui investie par des marchands de souvenirs on trouve aussi la mosquée Sarrafon (désormais reconvertie en magasin de mode), les bains Sarrafon (maintenant restaurant), le caravansérail Nougay (actuellement centre d’artisanat et de marionnettes).
Toki-Telpakfourouchon
Le deuxième grand bazar à avoir survécu est le Toki-Telpakfourouchon, ou bazar des chapeliers Il était situé juste à la porte sud de la ville intérieure. On y vendait toutes sortes de chapeaux, des calots brodés au fil d’or, des bonnets en fourrure. C’est aussi là que se vendaient, dans 26 échoppes, les livres et les manuscrits les plus précieux de Boukhara.
Toki-Zargaron (1570)
Le plus septentrional et le plus grand des trois toks restants est le Toki-Zargaron, ou bazar des bijoutiers, où l’or, le corail particulièrement prisé si loin de la mer et les métaux précieux changeaient de mains. Ce bazar construit au croisement de deux rues et occupant une grande superficie, abritait plus de trente étals de marchands et d’artisans. La structure des coupoles reflétait les deux principales fonctions de ce bâtiment: régler la circulation et organiser le commerce. Au point de croisement, le carrefour était recouvert d’une grande coupole découpée de hautes baies à arcs de la largeur de la rue. Les échoppes étaient disposées le long des couloirs qui faisaient le tour de la salle centrale. Au sud du bazar, l’immense caravansérail indien (aujourd’hui simple place vide sur la gauche) abritait le ghetto des prêteurs hindous, à qui il était interdit de vivre avec leur famille ou d’autres musumans, et menait à une rue fermée d’échoppes, de caravansérails, loués par des riches négociants qui avaient investi dans la construction des premières structures.
La mosquée de Magoki-Attari (XIIème siècle, reconstruite en 1547)
La mosquée de Magoki-Attari est l’une des plus vieilles mosquées d’Asie Centrale et le témoignage unique de deux mille ans d’histoire de Boukhara. En 1939, Chichkine, archéologue russe, mit au jour son élément le plus précieux, un portail du XIIème siècle orienté au sud, avec des panneaux incrustés d’un albâtre immaculé. Mais il découvrit aussi les traces d’un temple zoroastrien du Vème siècle et d’un temple bouddhiste encore antérieur. Ici, les hommes ont vénéré de nombreux objets de culte au fil des siècles, y compris la lune. Avant l’arrivée des Arabes, des herboristes y tenaient un bazar et vendaient des herbes médecinales, des épices et des idoles. En 937, la première mosquée à quatre piliers construite au IXème siècle, fut réduite en cendres lors de l’incendie de la ville, et c’est au XIIème siècle que fut édifiée la nouvelle mosquée, dont subsiste le remarquable portail sud, fleuron de l’édifice actuel. Presque tout ce qui a survécu jusqu’à nous date d’une complète restauration exécutée en 1546-47. L’assemblage des briques de ce portail fascinant semble avoir été inspiré par le mausolée des Samanides. Le mot «magok» signifie «souterrain» et «attar», «marchand». Cette mosquée a été érigée dans la partie commeçante de la ville. Son plan est rectangulaire et son unique salle à six piliers est couronnée de douze coupoles. La façade principale de l’édifice, orientée au sud, est soulignée par un splendide portail dont il reste encore la partie intérieure. L’élément principal de la composition de ce portail est une grande niche qui fait ressortir l’entrée dans la mosquée. Cette niche est encadrée par un arc ogival soutenu par de petites colonnes d’angle en pierre, garnies de chapiteaux représentant des lyres. Le portail est décoré avec de la terre cuite ciselée non glaçurée. Cette mosquée s’est retrouvée sous terre au bout de 800 ans, car le niveau du sol s’était élevé de 6 à 8 mètres au fil des civilisations qui se sont succédées. Les sources écrites nous rapportent ceci: «Dans l’Antiquité, les habitants de Boukhara vénéraient des idoles et un commerce de ces idoles s’était instauré... Un roi prénommé Mokh avait ordonné aux menuisiers et aux sculpteurs de fabriquer des idoles durant une année entière et, au moment voulu, de les présenter à la foire pour les vendre. Le roi se rendait à la foire où il s’installait sur un trône, précisément à l’endroit où se trouve maintenant la mosquée de Mokh, afin d’inciter la population à acheter ces idoles... ». Le mur Est de la mosquée est garni d’un portail, construit entre 1546 et 1547. Vers cette époque, le niveau du sol autour de la mosquée s’est élevé à un point tel qu’il fallut pratiquer une nouvelle entrée et ajouter un escalier aux larges marches pour pouvoir y pénétrer. La mosquée a été à nouveau restaurée dans les années soixante-dix du siècle passé. Elle héberge aujourd’hui un musée du tapis. Des vestiges zoroastriens sont visibles encore dans les fouilles est, sous un immense tapis de prière.
L’ensemble Khodja Gaoukouchan (XVIème siècle)
Cet ensemble se compose d’une médersa, d’une mosquée et d’un minaret datant du XVIème siècle. La médersa Gaoukouchan fut construite sur l’emplacement d’un ancien abattoir en plein air (le mot «gaoukouchan» signifie «celui qui tue les bœufs»). Cette médersa classique du XVIème siècle construite sous les auspices du grand Abdoulla khan, néanmoins éclipsée par Poi-Kalon et Labi-Khaouz, abrite aujourd’hui un atelier de métal ciselé.
Le minaret Gaoukouchan, en face, appartient en fait à la mosquée Khodja Gaoukhouchan, une grande mosquée cloîtrée construite en 1598, par le cheikh jouybar Khodja Kalon pour la prière du Vendredi, mais aujourd’hui fermée.
Le Tim Abdoullakhan (1577)
Construit en 1577, ce marché couvert était l’un des plus élégants centres commerciaux de la ville; des marchands afghans, aisément reconnaissables au pan de soie qui pendait du côté gauche de leur turban, y proposaient de la soie et de la laine dans cinquante échoppes disposées autour de l’austère dôme central. D’autres tims vendaient des kilims, du velours et du coton. Des arcades voûtées à une seule entrée, comme celle-ci, bordaient jadis toute la rue. Cette unique rescapée abrite à présent une boutique nationale de soieries ikatées, tissées à la main.
La médersa d’Ouloughbek (1417)
Cette école coranique, érigée par Ouloughbek, prince astronome témouride, est la plus ancienne d’Asie Centrale et la première des trois médersas construites par lui, les deux autres se trouvant à Samarcande et à Ghijdouvane. Les proportions harmonieuses et la décoration fascinante de la façade, comme les entrelacs de céramiques sur le grand arc à lancette, présentent déjà de nombreux caractères assimilés plus tard à «l’école de Boukhara» dans l’architecture du XVIème siècle. Les centres d’intérêt profanes du monarque se retrouvent sur la façade de cet édifice religieux: des étoiles rappellent sa passion pour l’astronomie, des motifs geométriques reflètent la synthèse déjà réalisée à son époque entre la science et l’art, et une inscription de la porte d’entrée rappelle la sagesse et l’ouverture d’esprit de son constructeur: «Aspirer à la connaissance est le devoir sacré de chaque musulman et musulmane». Au heurtoir du portail, une autre inscription plus ancienne faisait l’éloge de la quête de la sagesse: «Que les portes d’Allah restent toujours ouvertes à ceux qui ont étudié la sagesse dans les livres». Au-dessus du portique principal, encore une inscription en étoile rappelle les noms de ses architectes: «Nadjmiddine Boukhariy et Ismail, fils de Takhir, fils de Makhmoud Isfakhaniy». La reconstruction sous Abdoulla khan II en 1586 compléta la façade témouride de l’édifice de panneaux de majolique plus foncée. Les récents travaux de restauration effectués pour le 600e anniversaire d’Ouloughbek en octobre 1994 ont le charme de cette façade. La façade abrite une salle de classe à gauche, une mosquée à droite et une bibliothèque à l’étage. Aujourd’hui complètement restaurée, la médersa est ouverte au public et abrite un petit musée consacré à la restauration de Boukhara et présentant notamment des mosaïques d’origine et des photos anciennes.
La médersa d’Abdoulaziz khan (1651-52)
La médersa d’Abdoulaziz khan occupe dans l’architecture de cette région une place à part, due autant à sa renommée qu’à la richesse de sa décoration artistique. Construite en f ace de la médersa d’Ouloughbek, elle forme avec celle-ci un ensemble architectural homogène. L’architecture et la décoration de cette imposante médersa bâtie sous les Cheybanides furent réalisées par les meilleurs maîtres de l’époque. Cet édifice est un exemple typique de l’architecture de cette autre période, où la technique décorative et le style architectural ont continué à se perfectionner pour atteindre leur apogée. Ici, la mosaïque originale du portail, composée d’ornements végétaux et de représentations stylisées d’oiseaux imaginaires et d’un dragon, est brillamment exécutée. Ces décorations, comme celles sur la façade de la médersa de Nadir Devanbeghi, sont une audacieuse entorse à la tradition islamique interdisant toute figuration de vie animale. A l’intérieur, des fresques de paysages peints trahissent des influences chinoise et mongole. Elles ont subsisté principalement dans l’ancienne grande salle de cours, sur la gauche. Les frises d’argile rouge, sur le toit, et les niches étaient à l’origine couvertes de poudre d’or; les fissures ont été causées par un tremblement de terre en 1976. Dans la palette des couleurs des carreaux émaillés les tons jaunes prédominent. Pour la décoration artistique des murs du palais et des salles, tous les procédés décoratifs ont été utilisés: mosaïque ciselée émaillée et mosaïque en briques, majolique en relief, gravure sur marbre, peinture sur gantch, dorures (technique du «koundal») et peinture à détrempe sur plâtre. La médersa comporte deux mosquées: une mosquée d’été, située dans la cour, et une mosquée d’hiver, située dans l’angle Ouest, juste à l’entrée. La décoration des coupoles intérieures de ces mosquées est particulièrement remarquable. Les mosquées se distinguent par le luxe de la décoration de leurs murs et plafonds. Le décor non restauré de la salle d’étude est aussi sublime. La médersa possède aussi des cheminées, une grande innovation pour l’époque. L’aspect inachevé de la décoration de ce monument (absence de décoration dans la partie gauche de la façade et dans la partie droite de la cour) s’explique par le fait que Abdoulaziz khan fut renversé en son absence lors d’une révolution de palais. En plus, la contruction des cellules s’effectuait en fonction des besoins. Habituellement, les étudiants les louaient pour toute la durée de leurs études. Lorsque le nombre des étudiants tombait à moins de 200, le séminaire servait aussi de caravansérail.
L’ensemble Poi-Kalon (XIIe-XVIe ss.)
Poi-Kalon fut le nom donné à la plus belle place de Boukhara la Sainte. Cette place pavée est flanquée des deux façades les plus grandioses de la ville. L’une, reliée à la tour par un pont, appartient à la mosquée Kalon, la plus grande de cette cité légendaire, et l’autre appartient à l’école coranique nommée Miri-Arab. Un peu à l’écart, et entre ces deux édifices, se trouve le minaret de Kalon, la plus ancienne construction de ce complexe. Jusqu’aux premières années de l’époque soviétique l’ensemble Poi-Kalon servait de centre religieux pour la ville avec la plus grande mosquée et la plus prestigieuse médersa de la ville. Aujourd’hui toutes les fêtes traditionnelles des habitants de la vieille ville se passent sur cette place.
Le minaret Kalon (1127)
Ce minaret est le symbole de la puissance de Boukhara la Sainte. Le minaret est une tour ronde et massive, construite en brique cuite, à l’aide d’un gâchis concentré en albâtre. A l’intérieur, un escalier en spirale comporte 105 marches. Le haut du minaret est couronné par une sorte de rotonde découpée de seize baies à arcs, avec une lanterne. Cette haute tour servait de phare et était un repère original permettant de se diriger dans le labyrinthe des innombrables rues. La hauteur du minaret dépasse 47 mètres. Sa résistance antisismique est assurée par des fondations qui s’enfoncent de 10 mètres dans le sol. La tour est décorée de bandeaux de dessins ornementaux: il y a douze niveaux, de la base jusqu’en haut, chacun possédant sa propre décoration. Le minaret Kalon est le symbole architectural de la ville. Dans l’ancienne Boukhara, il était également le symbole de la religion et du pouvoir: son sommet servait non seulement à lancer les appels à la prière, mais aussi à précipiter dans le vide des condamnés à mort. Figurant sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, ce vieillard de Boukhara continue à émerveiller les yeux des visiteurs de la ville.
Un minaret se dressait ici dès 919, puisque toute mosquée du Vendredi doit en avoir un. Ce premier minaret fut détruit en 1068, et le minaret de bois que reconstruisit le khan karakhanide Arslan s’écroula «à la suite d’un mauvais sort» et endommagea gravement la mosquée adjacente. En 1127, Arslan Khan ordonna d’ériger le minaret le plus élevé que le monde eût jamais connu. Cette fois, il redoubla de précautions. L’architecte en chef fit creuser des fondations jusqu’à une profondeur de 10 mètres, et maçonner une assise de 14 mètres de diamètre avec du lait de chamelle, du jaune d’œuf, du jus de raisin et de la poussière de marbre. Et l’architecte disparut pendant deux ans, attendant que la base ait eu le temps de durcir suffisamment. Et il édifia alors la plus haute tour isolée du monde à cette époque. Le khan fut ravi, et avec cette tour la réputation du khan et de sa ville atteignit des sommets dans tout l’univers musulman. Mais l’architecte perfectionniste n’était pas encore satisfait, et déclara sur son lit de mort que l’élan de sa fantaisie était supérieur au minaret qu’il avait construit. Il fut enterré à l’ombre de son chef-d’œuvre, à une distance égale à la hauteur de celle-ci. Son colosse, qui a donc survécu, s’élève sur une base de 14 m de largeur et des fondations cubiques de 10 m de profondeur. Il battait probablement le record mondial de hauteur (47 m), à la fin de sa construction en 1127. Les constructeurs avaient peut-être escompté que sa lanterne, 16 arches de brique d’où le peuple était appelé à la prière, serait visible de loin, à plusieures kilomètres de là. En tout cas, elle servait certainement de phare annonçant aux caravanes épuisées leur arrivée dans une cité vraiment importante. La nuit, un feu y était allumé. Le minaret se voit encore à des kilomètres dans les plaines, aux alentours de Boukhara.
Quatorze bandes de calligraphie coufique entourent son col effilé (l’une mentionne l’architecte sous le nom de «Baqo»), alternées d’autant de bandes décoratives en briques, toutes différentes. Des carreaux vernissés, utilisés pour la première fois en Asie Centrale, forment le «collier» turquoise du sommet.
Très impressionné par la hauteur de cette «Tour de la Mort», lors de la prise de la ville en 1221, Gengiz Khan apprécia son importance stratégique et ordonna de l’épargner durant le sac de la ville. Le minaret a effectivement survécu à l’épreuve des siècles, jusqu’à ce que les soldats de l’Armée Rouge l’endommagent au cours du bombardement de la ville en 1920. Réparé en 1924, il fut surmonté d’un drapeau rouge qui y flotta jusqu’aux travaux de restauration de 1964. A nouveau endommagé lors du tremblement de terre de Gazli en 1976, il a de nouveau été restauré.
Habituellement, dans le monde musulman, les minarets étaient destinés à appeler les croyants à la prière, mais une telle tour pouvait également servir des objectifs profanes. Cette tour permettait aussi de répérer les armées d’un khan ennemi alors qu’elles ne soulevaient encore que de la poussière à l’horison. Surnommé «la tour de la mort», ce minaret ne servait pas seulement à appeler les fidèles à la prière. Au XVIIe siècle, c’est de son sommet que l’on jetait les criminels de droit commun et les épouses infidèles enfermés dans des sacs. Le minaret servait aussi de point d’observation le jour, et de phare la nuit. Tous les soirs, on allumait une bassine remplie d’huile placée au centre de la rotonde située au sommet. Les caravanes arrivant du désert pouvaient ainsi se repérer, tels les vaisseaux à l’approche des ports. Les briques couleur miel donnent leurs plus beaux reflets dans la lumière de fin d’après-midi. Les motifs géométriques auraient été composés au sol avant d’être appliqués sur le tronc du minaret. Le chapeau conique du sommet est tout ce qui reste de l’ancienne couronne, encore plus élevée.
La mosquée Kalon
Cette imposante mosquée du Vendredi figure parmi les édifices les plus anciens et les plus grands (par la taille) de la ville de Boukhara. Elle fut reconstruite à plusieurs reprises pour accueillir la totalité de la population mâle de cette ville légendaire. Le premier bâtiment en brique crue édifié en 713 par le premier gouverneur arabe, fut agrandi au IXe siècle, par Ismail Samaniy suivant de nouveaux plans, puis s’effondra durant le règne de son neveu Nasr avant d’être ravagé par un incendie en 1068. Au XIIe siècle, elle fut reconstruite par Arslan Khan et détruite à nouveau par les guerriers de Gengiz Khan en 1220. La structure que l’on voit aujourd’hui fut achevée en 1514, et le mihrab en fut embelli en 1541 par le khan cheybanide Oubaydoullah, grâce à une campagne militaire effectuée l’année précédente. Cette immense maison de prière égale la mosquée Bibi-Khanym à Samarcande par la taille, sinon par la décoration. Une succession de 288 coupoles repose sur 208 colonnes massives et forme une vaste cour rectangulaire de 127 m sur 78 m répondant au «nombre d’or». La colonnade et la cour pouvaient contenir plus de 10 000 personnes. A l’extrémité ouest, le bâtiment principal muni d’un mihrab joliment décoré présente la générosité d’Oubaydoullah Khan et de l’architecte Bayazid Pourraniy. Son imposant dôme bleu était coiffé d’un nid de cigognes jusqu’au début du XXe siècle et les cigognes venant d’Egypte cessèrent alors de migrer vers ces lieux. L’inscription coufique blanche qui encercle la coupole proclame que «al-baqa’ lillah» - «l’immortalité appartient à Dieu». La mosquée est munie de sept portes, une face au lever du soleil, deux face au coucher et deux sur chacune des ailes de côté. A gauche, sous la quatrième arche, on peut observer un puits particulièrement profond. Au centre, faisant face au mihrab, un pavillon aux huit portes – symbolisant les portes du paradis – a été bâti par le dernier émir de Boukhara dont la fonction reste incertaine: abri pour l’émir lors de sa prière hebdomadaire, ou plus vraisemblablemant relai d’un imam à un autre chargé de répéter les paroles du premier à la foule immense... A l’époque soviétique, de 1924 à 1989, la mosquée est restée fermée au culte, et a été transfomée en entrepôt de meubles et en meunerie pendant la seconde Guerre Mondiale.
La médersa Miri-Arab (1535-36)
En face de la mosquée Kalon, on distingue parmi les édifices environnants deux grandes coupoles bleues. Il s’agit de la médersa de Miri-Arab, l’une des institutions d’enseignement religieux les plus gandes et les mieux aménagées de l’époque. Elle fut édifiée en 1535 par le cheikh Abdoullah, chef religieux yéménite et maître spirituel d’Oubaydoulla Khan. Le khan finança sa construction grâce à la vente de 3000 prisonniers perses, des musulmans chiites qui étaient considérés comme des infidèles et pouvaient donc être vendus comme esclaves. Au XXe siècle, cette école coranique fut la seule autorisée à dispenser un enseignement religieux en Asie Centrale. La médersa forme, avec le minaret et la mosquée Kalon, un ensemble architectural parfaitement équilibré. Cette médersa reflète très nettement l’agencement traditionnel et la composition typique des volumes pour l’architecture des institutions religieuses d’Asie Centrale: autour d’une cour carrée aux angles coupés se trouvent des corps de bâtiments à deux étages abritant les cellules. De plafonds iwâns à portail soulignent chaque extrémité des axes de la cour. Ces iwâns spacieux servaient d’amphithéâtres d’été. La salle Nord, habituellement prévue pour abriter une salle d’étude - darskhana, sert en réalité de tombeau. La salle Sud servait de mosquée. Dans la décoration de cette médersa fut employée pour la première fois la combinaison de plâtre de gantch blanc et d’incrustations en mosaique glaçurée.
Jusqu’à la fin du XIXe siècle les étudiants recevaient une bourse d’études du pouvoir religieux en place. Ils étudiaient la loi et la littérature pendant cinq à sept ans, logés dans les cellules à balcons réparties sur deux étages autour de la cour centrale. L’enseignement était dispensé en arabe uniquement, et se concentrait sur l’écriture et les mathématiques. Leur salle de réunion était placée sous le dôme, à droite du portail. Sous le dôme gauche sont enterrés Oubaydulla Khan (l’un des premiers souverains de Boukhara qui ne soit pas enseveli dans un mausolée à son patronyme) et Cheikh Abdoullah, yéménite, dont la médersa porte le nom.
De nos jours, ses 120 ou 130 séminaristes y suivent un cycle de quatre ans centré sur l’étude de l’arabe, du Coran, des hadhites (paroles saintes de Muhammad), du droit de l’islam et de l’anglais, dans le but de recevoir le titre d’imam. Les cours se donnent à la fois dans la médersa, qui est donc inaccessible aux touristes, et dans des classes détachées dans la mosquée voisine. La façade à deux niveaux est flanquée de solides piliers d’angle (gouldasta) et surmontée de deux coupoles turquoise qui font un bel écho au dôme bleu de la mosquée Kalon.
L’Ark, l’ancienne citadelle des émirs
La ville de Boukhara est dominée par la vieille forteresse, l’ark, «la ville dans la ville». Le mot «ark» se traduit par «cœur de l’Etat». L’âge de cette citadelle est estimé à deux mille ans. Elle a été érigée sur une colline artificielle dont la superficie atteint 4.2 hectares et la hauteur oscille entre 16 et 20 m. La citadelle était le lieu de résidence de tous les gouverneurs de Boukhara. L’entrée d’honneur de l’ark est ornée de deux tours en forme de colonnes. Les parties supérieures des tours sont reliées par une galerie au-dessus de laquelle se trouve une salle avec une terrasse. Là vivaient des musiciens et le corps de garde de la citadelle. La musique accompagnait les apparitions et déplacements solennels de l’émir, les défilés militaires, les fêtes et les exécutions capitales qui avaient lieu sur la place du Réghistan, principale place de la ville qui se trouve à l’ouest de l’ark. Dans l’immense enceinte de la citadelle se trouvaient les instances administratives et économiques, la mosquée royale, la cour des monnaies, les salles d’apparat pour les réceptions, ainsi que les services administratifs de l’émir. La partie ouest abritait les appartements de l’émir et son harem. Tous les édifices de l’ark datent des XVIIe-XXe siècles, c’est-à-dire du règne des dynasties ouzbeks. Au début du XXe siècle, plus de trois mille personnes vivaient à l’intérieur de l’ark. Pour rejoindre la citadelle, on emprunte une rampe d’accès pentue. Cette rampe part du portail d’entrée et bifurque brusquement, dès l’arc d’entrée, vers un étroit couloir couvert qui mène vers la mosquée de Djouma. Des deux côtés du couloir il y avait de petites niches-cellules où l’on enfermait les ennemis personnels du roi; sous la rampe se trouvaient les terrifiants cachots souterrains. Toute la partie est de l’ark n’existe plus. Mais, à l’heure actuelle, ce site reste toujours un trésor archéologique.
La mosquée de Bolo-Khaouz (1712)
La mosquée de Bolo-Khaouz, qui se trouve non loin de l’ark fut construite au début du XVIIIe siècle. Depuis, des cellules lui ont été rajoutées. Elle possède un iwan qui repose sur vingt hautes colonnes en bois. Cette maison de prière était auparavant une mosquée du Vendredi dans laquelle se rendait de temps à l’autre l’émir lorsqu’il séjournait à Boukhara. A cette occasion, on déroulait des tapis entre l’ark et la mosquée pour permettre à l’émir de se rendre à l’office. Cette mosquée est remarquable par la décoration luxueuse de son iwan, et en particulier du plafond de celui-ci. Cet iwan, conjugué au petit minaret dressé un peu à l’écart de la place et au plan d’eau situé en son milieu, inspire un sentiment d’unité et de perfection architecturale.
Le mausolée de Tchashmai-Ayoub (XIIe-XIVe-XVIIe siècles)
Cet ensemble regroupe une construction primitive datant les Témourides et une bâtisse plus tardive. Sa partie la plus ancienne est une gourkhana de plan carré (4,5 m sur 4,5 m), munie d’un portail à l’avant.Cette partie se distingue surtout par une double coupole recouvrant la gourkhana. La coupole extérieure, de forme conique et posée sur un haut tambour, est particulièrement intéressante. Dans la niche d’entrée se trouve un puits qui a donné son nom au mausolée, Tchashmai-Ayoub signifiant «la source du prophète Job» qui, selon la légende, a jailli à l’endroit où le prophète avait frappé avec son bâton. Le mausolée a été conçu par des maîtres venus de la ville d’Ourguentch. Ils ont bâti un édifice recouvert d’un toit (calotte) de forme conique posée sur un tambour, forme architecturale traditionnellement employée au Khorezm. Au-dessus du puits, une coupole garnie d’une lanterne éclairante date du XVIe siècle. C’est un édifice original et sigulier.
Le mausolée des Samanides (IXe-Xe siècles)
Cet édifice, que l’on appelle «la perle de l’Orient», est âgé d’un millénaire. Cette étonnante création des architectes du Moyen Age attire l’attention de tous. La construction de ce monument remonte à l’époque où Boukhara était le plus grand centre culturel de l’Asie Centrale. Le tombeau de la dynastie des Samanides, érigé selon la légende par le sultan Ismail Samaniy, de son vivant, à l’emplacement de la tombe de son père, fut le premier mausolée du monde musulman. En effet, l’islam, jusqu’à la moitié du IXe siècle, en interdisait la construction. Ce mausolée séduit par la finesse et l’élégance de ses formes. Ce monument se distingue par la netteté et la précision du concept architectural, par la perfection des solutions techniques, décoratives et artistiques. Au plan carré du mausolée répond l’ensemble de la conception de l’édifice, celle-ci est simple: c’est un cube couronné d’une coupole. Toutes les façades sont d’égale importance; aucune d’entre elles n’a été conçue comme principale sur le plan architectural. Le passage du carré, que forme l’édifice vers la base de la coupole, à l’ctogone, se fait très précisement au moyen de huit arcs ogivaux, dont quatre situés aux angles de l’édifice. Le haut de l’édifice comporte une galerie à claire-voie percée de fenêtres en lancette qui éclairent l’intérieur de la salle. Les murs extérieurs et intérieurs du mausolée sont faits en briques cuites dont la disposition alternée crée des arabesques. Ce façonnage des briques remplaçait d’une certaine manière la glaçure polychrome qui n’existait pas encore à l’époque. Par l’utilisation de ce briquetage combiné, c’est-à-dire en disposant les briques d’une certaine façon, les maîtres ont réussi à créer un bel effet artistique. Les murs lisses du mausolée sont recouverts d’ornements originaux qui les ravivent, tout en leur apportant douceur et légèreté. Dans une même journée, selon l’inclinaison des rayons du soleil, le dessin ornemental change. La lumière de la lune les met le plus en valeur. Aucun autre monument au monde ne possède ce genre de décoration.
La mosquée Balande (XVIe siècle)
La mosquée Balande, ou «haute mosquée», est un bijou du XVIe siècle. Sa façade, à première vue quelconque et dépourvue du caractère monumental si répandu à Boukhara, est cependant garnie de colonnes minces et élancées qui ont valu son nom à l’ensemble. Cet extérieur relativement banal dissimule un intérieur dont les ornementations comptent parmi les plus belles de la ville. Ce paradoxe architectural découle en fait de la raison d’être de cette mosquée gouzar, donc du quartier. Sa vocation est de nature personnelle plutôt que publique, son caractère introspectif plutôt qu’ostentatoire, contemplatif plus que cérémonieux. Mais en même temps, le quartier était riche, et cette richesse a trouvé son reflet dans ce témoignage de piété. La salle intérieure est de dimensions modestes et une atmosphère intime y règne. Des tapis de prière jonchent le sol. Le foyer spirituel et artistique du monument, le mihrab est orné de mosaïques polychromes éblouissantes, de motifs végétaux et d’inscriptions coraniques, et le plafond en koundal est suspendu par des chaînes à la charpente en bois.
La médersa Tchor-Minor (1807)
La médersa Tchor-Minor («quatre tours»), monument unique en son genre dans toute l’Asie Centrale fut érigée en 1807, par un riche marchand turkmène qui s’appelait Khalif Niyazkoul. Cette ancienne école coranique qui ressemble à une chaise renversée, possède en effet quatre tours rondes, mais celles-ci n’ont jamais servi à appeler le peuple à la prière, trois d’entre elles étaient purement décoratives et seule la quatrième donnait accès à la bibliothèque du premier étage. En même temps, chaque tourelle symbolisait une des quatre villes les plus connues du monde musulman à cette époque: Termiz, Boukhara, Kounia-Ourguentch et La Mecque. Avant la restauration de leurs carreaux de céramique bleue, chacune de ces tours hautes de 17 m, était coiffée d’un nid de cigognes; elles souffrent à présent de la montée des eaux souteraines. L’une s’est effondrée en mars 1976 et les autres menacent d’en faire autant. Mais l’UNESCO s’intéresse à Tchor-Minor, ajoutée maintenant à sa liste de projets.
La mosquée Namazgah (XIIe siècle)
Cette importante mosquée était exclusivement consacrée aux prières des fêtes religieuses bisannuelles : l’Id-Ramazan et l’Id-Kourban. Toute la population de la ville et des alentours s’y retrouvait à cette occasion. C’est pourquoi son plan diffère de celui des mosquées traditionnelles: une mosquée namazgah ne possède pas de murs latéraux en raison des foules qui s’y pressent, mais seulement un immense mihrab orientant les croyants et un minbar d’où l’imam prend la parole. Ce Namazgah fut d’abord édifié en 1119-1120 par Arslan Khan, le même karakhanide qui fit bâtir le minaret Kalon. Une partie de son mur ouest, aux précieuses décorations prémongoles de brique, de terre cuite et de stuc, s’est conservée sous la structure pincipale du XVIe siècle. A l’heure actuelle, le Namazgah est un édifice assez complexe qui a été fortement remanié. Le long mur en brique muni d’un mihrab en son centre est sa partie la plus ancienne. Un bandeau, comportant une même formule qui se répète: «Allah est Grand», orne ce mur de chaque côté du mihrab. Par ailleurs, le mur est revêtu d’une ornementation en terre cuite gravée non glaçurée. Au XVIe siècle, une galerie à arcs et coupoles, soulignée par un haut portail, a été ajoutée devant le mur.
Les mausolées de Bayankouli Khan et de Sayfiddin Bokharziy
Les mausolées de Bayankouli Khan et celui de Sayfiddin Bokharziy se trouvent au sud-est de la vieille ville. Le mausolée de Bayankouli Khan, dernière demeure d’un des descendants de Gengiz Khan assassiné à Samarcande en 1358, est un vestige rare de la longue et difficile résurrection postmongole de Boukhara. Il est composé de deux bâtiments. Dans le premier se trouvait une pierre tombale avec une opulente décoration en majolique. Le deuxième bâtiment est surmonté d’une coupole (sans tambour). Ce monument est richement décoré, à l’extérieur comme à l’intérieur, avec de la terre cuite polychrome glaçurée, alliant les tons bleu clair et bleu foncé, rouge-violet et blanc. Ces tons sont d’une pureté et d’une douceur rares. L’ornementation est composée de figures géométriques et de motifs végétaux. Le portail du mausolée est fastueusement décoré avec de la terre cuite glaçurée. Il éblouit par la finesse de son dessin qui rappelle une dentelle multicolore sculptée dans la pierre. La pureté des nuances des couleurs de la glaçure et la gravure sur argile cuite (terre cuite) de ce monument priment sur celles des autres mausolées du même type se trouvant à l’intérieur de l’ensemble de Chakhi-Zinda à Samarcande.
A côté, le mausolée de Sayfiddin Bokharziy, le plus grand et le plus ancien, honore la mémoire de Cheikh Sayfiddin Bokharziy (1190-1262); ce poète et saint homme local survécut à la visite de Gengiz Khan et fonda probablement l’une des nombreuses khanakas du quartier pour les pauvres et les vagabonds. Une gourkhana (tombe) fut édifiée sur le cénotaphe en bois richement sculpté peu après sa mort, une ziaratkhana (salle de prière) et un portique ajoutés respectivement aux XIVe et XVe siècles, confèrent une austérité monumentale à l’ensemble. En 1976, un tremblement de terre endommagea la coupole, et le mausolée dut être renforcé par des étançons en fer.
L’ensemble Bakhaouddin Naqshbandiy
Bakhaouddin Naqshbandiy, fondateur de l’ordre des Naqshbandiens, était un important personnage historique (1318-1389). Le mazar de ce sanit soufi, autour duquel se sont formés cet ensemble architectural et la nécropole, se trouve à 10 km au nord-est de Boukhara, près de la porte de Mazar, qui lui a donné son nom. La mazar était (et l’est d’ailleurs toujours) considéré comme le principal lieu saint de la ville de Boukhara. S’y rendre deux fois équivalait à un pèlerinage à La Mecque.
Le palais de Sitora-i-Mokhi-Khossa (XIXe- XXe siècles)
Sitora-i-Mokhi-Khossa, l’un des palais-résidences de campagne les plus réussis des derniers émirs de Boukhara, a été construit au XIXe siècle par le père du dernier émir de Boukhara, Akhd Khan. Une grande partie du vieux palais n’a pu parvenir jusqu’à nos jours. Au début du XXe siècle, à l’est du vieux palais, un nouvel ensemble a été construit. Il se compose de pavillons et de palais entourés de jardins et de parcs, et a été exécuté dans le style des résidences d’été que l’on trouve en Europe. Cette résidence se situe dans un grand parc d’une superficie de 6,7 hectares, entouré d’un haut mur en terre battue, rappelant un rempart. Le nouveau palais fut édifié entre 1914 et 1917. Cet édifice entoure la petite cour d’apparat intérieure semi-ouverte, pavée de dalles, avec une petite fontaine en son centre. A l’ouest du palais se trouve la «Salle Blanche», au sud une véranda vitrée, des salles d’attente et le cabinet de travail et d’audience de l’émir. L’intérieur de la «Salle Blanche» du nouveau palais compte parmi les plus belles œuvres architecturales, artistiques et décoratives du XXe siècle. Les murs de cette salle sont revêtus de miroirs recouverts de gantch ciselé très finement, créant ainsi des fleurs stylisées et des ornements géométriques. Le scintillement de ces miroirs disposés en fond et la sculpture sur un gantch d’un blanc immaculé, apportent à l’ensemble de l’espace intérieur de la légèreté et de la solennité. Les travaux de construction et de décoration de la «Salle Blanche» furent menés durant trois années par un maitre originaire du pays, Chirin Mouradov. Pour décorer et équiper le palais, on fit venir de Russie des miroirs, des lustres en cristal, des moulures, des meubles, etc. La construction du nouveau palais fut essentiellement menée par des ingénieurs russes qui étaient au service de la cour de l’émir Alim Khan. C’est pourquoi ce palais a été construit dans le style européen, avec une disposition des salles en enfilade, totalement étrangère à l’architecture de l’Asie Centrale. Le bâtiment abritant le harem fut également inspiré du style européen. Malgré quelques procédés artistiques intéressants, comme la sculpture sur gantch, les peintures, la gravure sur bois, l’architecture du vieux et du nouveau palais est globalement décadente. La tendance à imiter l’architecture russe, mêlant les styles européen et oriental, sans aucun rapport entre eux, modifiait les principes locaux de planification. Ainsi, l’agencement intérieur du palais avec ses salles en enfilade, sans ouvertures ou aération, ne pouvait servir en Asie Centrale qu’en période hivernale. En ce qui concerne le secteur des jardins et des parcs, celui-ci hérita des conceptions traditionnelles que l’on peut déjà trouver dans les jardins de Samarcande datant de l’époque des Témourides, dans lesquels, à côté des plantes décoratives, poussaient de nombreux arbres fruitiers et des vignes. Le destin du maître Chirin Mouradov est assez curieux. Voici une histoire véridique qu’il a vécue. Avant de commencer les travaux de décoration de la «Salle Blanche», le maître posa une condition: que l’émir ne pénètre pas dans la salle avant que tous les travaux ne soient entièrement achevés. L’émir accepta cette condition et tint parole. Quand il entra pour la première fois dans la salle, il fut subjugué par sa splendeur. Il inonda de cadeaux la maître, mais ensuite, craignant qu’il ne bâtisse un chef-d’œuvre semblable ailleurs, ordonna de le tuer. Par chance, le maître fut alerté quelques heures avant d’être arrêté. Il s’enfuit et se cacha pendant une année entière, chez un ami, gardien du cimetière de Boukhara. Puis il réussit à rejoindre Tachkent. Par la suite, aidé de ses élèves, il exécuta les travaux de décoration de la «Salle de Boukhara» à l’intérieur du théâtre Alicher Navoiy dans la ville de Tachkent et reçut le titre d’académicien d’honneur de l’Académie des sciences d’Ouzbékistan.
L’ensemble Tchor-Bakr (1560-1563)
Entre 1560 et 1563, à 12 km de Boukhara, fut bâti le splendide ensemble Tchor-Bakr composé d'une khanaka, d'une médersa et d'une mosquée, ainsi que de plusieurs édifices commémoratifs. La beauté de l'ensemble réside dans sa conjugaison réussie des pleins et des espaces, dans les volumes imposants des édifices rythmés par les petits volumes des arcs ogivaux de leurs façades, dans les portails massifs, les hauts tambours et les coupoles. La décoration architecturale des cimetières familiaux de petite taille est particulièrement originale. Ces cimetières ayant été construits à différentes époques, la décoration de leurs portails diffère par l'ornement et le savoir-faire. Cet ensemble architectural, situé sur la place du même nom, qui s'est formé au cours des XVIe-XVIIe siècles, est l'un des lieux les plus appréciés de Boukhara.